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Éradiquer le viol – ce coût intolérable pour la société

Phumzile Mlambo-Ngcuka est Secrétaire générale adjointe de l’ONU et Directrice exécutive d’ONU Femmes

A l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes célébrée ce 25 novembre, je vous livre la Déclaration de la Directrice exécutive de ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, prononcée lundi dernier, en prélude à cet évènement.  

«Si je pouvais faire exaucer un vœu, ce serait de supprimer totalement le viol. Mon souhait est d’obtenir la disparition d’une arme de guerre importante de l’arsenal des conflits, l’absence d’une évaluation quotidienne des risques pour les filles et les femmes dans les espaces publics et privés, la suppression d’une affirmation violente du pouvoir, un changement pour la société.
Le viol n’est pas un acte éphémère isolé. Il meurtrit la chair et reste gravé dans la mémoire. Il peut avoir des conséquences non choisies qui changent la vie – une grossesse ou la transmission d’une maladie. Ses effets dévastateurs et durables s’étendent à de nombreuses personnes : la famille, les amis, les partenaires et les collègues. En situation de conflit comme en temps de paix, le viol pousse les femmes à quitter leur communauté par crainte d’être agressées ou stigmatisées du fait de leur statut de victimes. Les femmes et les filles qui fuient leur foyer en tant que réfugiées se trouvent exposées à des conditions de vie et de transport dangereuses et précaires. Les portes ne ferment pas toujours à clé, l’éclairage est parfois défectueux et les installations sanitaires ne sont pas forcément adaptées. Les fillettes mariées en quête d’une sécurité accrue dans leur foyer ou dans les camps de réfugiés peuvent se retrouver dans des situations de viol légitimé, et celles qui souhaitent s’échapper ont peu de recours pour trouver un abri ou un logement sûr, par exemple.
Dans la grande majorité des pays, les adolescentes sont les plus exposées au risque de violence sexuelle de la part de leur mari, partenaire ou petit ami, actuel ou ancien. De par notre travail sur d’autres formes de violence, nous savons que des millions de femmes et de filles ne sont pas en sécurité chez elles.
De manière quasi-universelle, la plupart des auteurs de viols ne sont pas dénoncés ou restent impunis. Pour pouvoir signaler un acte de violence, les femmes doivent tout d’abord faire preuve d’une très grande résilience pour revivre l’agression. Ensuite, elles doivent savoir où aller et avoir un certain degré de confiance dans la réactivité des services sollicités – à supposer qu’il existe des services vers lesquels se tourner. Dans de nombreux pays, les femmes savent qu’en signalant une agression sexuelle, elles risquent bien plus d’être blâmées que ce qu’on ne pourrait le penser et elles doivent faire face à un sentiment de honte injustifié. Tout cela tend à étouffer la voix des femmes autour du viol, entraînant une sous-déclaration importante des agressions et l’impunité persistante des auteurs de viols. Les travaux de recherche montrent que seule une petite proportion des adolescentes qui subissent des rapports sexuels forcés sollicitent une aide professionnelle. De même, moins de dix pour cent des femmes ayant cherché de l’aide après avoir été victimes de violence se tournent vers la police.

Rendre le viol illégal, partout et en toutes circonstances

Dans la perspective d’accroître la responsabilité, une mesure positive consisterait à rendre le viol illégal, partout et en toutes circonstances. À l’heure actuelle, plus de la moitié des pays n’ont toujours pas de lois qui reconnaissent explicitement le viol conjugal comme une infraction pénale, ou qui sont fondées sur le principe du consentement. Outre la criminalisation du viol, nous devons faire beaucoup plus pour placer la victime au centre de l’intervention et demander des comptes aux violeurs. À cette fin, nous devons renforcer la capacité des responsables de l’application des lois d’enquêter sur ces crimes et d’aider les survivantes tout au long du processus de justice pénale, en leur donnant accès à une aide juridique, aux services de police et de justice ainsi qu’aux services sociaux et de santé, surtout pour les femmes les plus marginalisées. 
Le recrutement d’un plus grand nombre de femmes dans les forces de police et la mise en place de formations adéquates constituent une première étape indispensable pour s’assurer que les survivantes retrouvent une certaine confiance et sentent que leur plainte est prise au sérieux à chaque étape de ce qui peut s’avérer un processus long et complexe. Les progrès sur la voie de l’éradication du viol exigent également que nous renversions les nombreux obstacles institutionnels et structurels et que nous luttions efficacement contre les systèmes patriarcaux et les stéréotypes négatifs sur le genre qui existent dans les institutions de sécurité, de police et judiciaires, comme c’est le cas dans les autres institutions.
Ceux qui utilisent le viol comme une arme savent parfaitement à quel point il traumatise et réprime la voix et l’action. C’est un coût intolérable pour la société. Plus aucune génération ne doit subir les conséquences du viol. 
Nous sommes de la Génération Égalité et nous mettrons fin au viol ! »

source: unworn.org

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