VOCATION D’UN PRESIDENT-POETE
Pourquoi
Senghor a raté la soutane
Il
fait partie des anciens pensionnaires du séminaire des futurs prêtres de
Ngasobil de 1914 à 1923. Ce qui n’a pas empêché le président-poète Léopold
Sédar Senghor de devenir ce qu’il était et non ce à quoi il aspirait. Une
vocation ratée qui laisserait croire à la mécréance de l’homme. Ce qui,
cependant, n’est nullement le cas, quand on suit le récit du Directeur du
séminaire des futurs prêtres de Ngasobil, Abbé Georges Nguirane Diouf.
«Senghor disait toujours qu’il
a toujours voulu être prêtre et professeur de théologie. Il a quitté le
séminaire de Ngasobil parce que tout simplement, il a rencontré au cours de la
formation un prêtre français qui s’appelait le père Lalouse pour qui il disait
avoir eu beaucoup d’admiration. Mais, il y avait un désaccord entre ce dernier
et lui, puisque le père disait que le noir n’a pas de culture. Quand Senghor a été
admis à l’Académie française, Edgard Faure a fait le discours de réception de
Senghor à l’Académie en rappelant un incident que ce dernier a eu avec le père
Lalouse. Cet incident résulte d’une revendication de Senghor. Il disait qu’il
voulait dormir sur un lit et le père Lalouse lui a dit : «si tu étais chez
toi, tu aurais dormi sur une natte, et donc pourquoi tu réclames de dormir sur
un lit avec des draps bien faits ?». Senghor s’est senti offusqué par ces
paroles du père Lalouse. Il s’est souvenu de son père quand il recevait le Roi
du Sine. Quand le Roi du Sine venait avec toute sa cour royale et le faste avec
lequel son papa l’accueillait au son de joung-joung
(grand tam-tam). Senghor qui a vécu dans cette ambiance ne pouvait donc pas
supporter qu’on lui dise, qu’il n’a pas de culture. Il revendiquait de plus
belle sa culture parce que cela ne lui faisait pas plaisir. Et le père Lalouse
finira par lui dire : «toi, tu n’es pas fait pour les ordres, parce que tu
revendiques trop. Un prêtre ne doit pas être contestataire». C’est comme cela
que le père Lalouse l’a renvoyé du séminaire de Ngasobil. Il a été très triste
quand il a été exclu. Il dit qu’il a été triste parce qu’il voulait sincèrement
être prêtre et prof de théologie. Quand il est arrivé en France, il a par
moment eu une crise par rapport à sa foi. Mais il est revenu à la foi, en
parlant de Phillip Maguilène pour dire que c’est sa foi qui lui a permis de
bien passer ces épreuves là. Il a gardé sa foi jusqu’à sa mort, Senghor recevait
la messe à domicile. Cette messe lui était dite par le vieux Pierre Alexandre
Ndiaye de Saint-Louis. Il a fait l’élégie à Georges Pompidou qui était son
grand ami au lycée Louis Legrand. Dans l’évocation de Ngasobil, il dit :
«A l’Eglise de Ngasobil, nous chantions et nous dansions sous l’odeur de
l’encens…, je me figurais que c’est ce qu’on fait au ciel : qu’on chante
et qu’on danse devant la gloire de Dieu». Alors, il avait fait un pari avec
Pompidou. Ils disaient que celui qui mourrait le premier dirait à l’autre ce
qu’est l’au-delà. C’est ce qu’il faut comprendre quand Senghor dit : «Dans
mon enfance illuminée, Ngasobil j’ai rêvé d’un ciel où on vit deux fois en une
éternelle».
Abdoulaye
SIDY
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