Le busines des « apprentis coutiers » devant les guichets de paiement
Le circuit de paiement des bourses scolaires à l’Ucad est de plus en plus dense. Etudiants, payeurs et vigiles se livrent à un courtage insoupçonné pour se tailler leur part du marché, quand bien même aucune partie ne veut être à l’indexe.
Campus universitaire Cheikh Anta Diop de Dakar, au rez-de-chaussée du pavillon D, s’égosillent des groupes d’étudiants aux portillons qui servent de guichets de paiement. Dans une bousculade indescriptible de part et d’autre du bâtiment qui converse avec la mosquée de ce temple du savoir, la cacophonie brouille le calme observé au lieu de culte. Mais, ici comme ailleurs au pavillon I ou au Camp Jeremy, l’ambiance est identique. La guerre des affiches entre listes officielles et parallèles fait rage aussi : « Paiement Faseg : le 25 mars 2011. Liste ouverte à la 416 A. Nb : ‘’Daw Thiow’’ » ; « Mardi 22 mars 2011. Lots 1 et 2 rappel ouverts au 303 A. Nb : Kouko Khottiwatt dina toth sa… » ; ou encore « Paiement Faseg : Liste ouverte à la 130 A, le 8 avril 2011. Nb : seule liste valable » ; et « Paiement Faseg : rappel, le 16 mai à la 46 J, à 7 heures 30mn. Nb : ‘’boul togne’’ », lit-on sur les mûrs en cette matinée de vendredi 25 mars. Et gars aux plus faibles qui ne garderaient pas leur mal en patience. Très souvent, ils se font écraser par les plus forts. « Je devais percevoir ma bourse ce matin, mais je vais devoir revenir demain tôt le matin à cause des bousculades. On ne respecte jamais les listes », peste Fatim Guèye domiciliée à Keur Massar. Croisée au Camp Jeremy, cette étudiante en première année de Lettres modernes, explique sa difficulté de percevoir sa bourse entière par l’introduction des lots parallèles par des étudiants « hors la loi ». Mais ce qui outre le plus Fatim, c’est que malgré tout, ces lots qu’elle qualifie « d’invalides » sont pris en compte par les payeurs.
Sur ce terrain où apparemment il n’existe pas de sens interdit pour percevoir sa bourse, certains étudiants semblent détenir la clé de la délivrance. « Je constatais à chaque fois que je venais percevoir ma bourse, les gens se bousculaient, il y en avait même qui se bagarraient. Et comme je n’ai pas assez de force encore moins le temps de me battre, j’ai donc préféré me rabattre sur des gens plus costaux que moi qui font la queue devant les guichets », révèle Lamine Mbodji aux frêles épaules. Pour y parvenir, ce Licencier en Anglais est obligé de compter à chaque fois moins de 2000 F Cfa sur ses 36 000 f, le mois. Un raccourci que des étudiants logés au Campus empruntent pour se faire un peu d’argent. « Il m’arrive d’identifier des étudiants avec qui je partage le même Pavillon A qui hypothèquent leur sommeil en prenant place devant les guichets pour des étudiants qui le désirent, moyennant une somme », dévoile une voix anonyme rencontrée dans le hall du plus vieux pavillon de l’Ucad. Mais cette pratique est souvent source de tension entre boursiers en rang et incurseurs sauvages. Les auteurs de ces désordres sont souvent identifiés comme étant membres du mouvement « Kékendo ». Selon Khadim Ngom étudiant en maîtrise en Science économique, au dernier rappel de fin de l’année passée, les éléments du mouvement « Kékendo » avaient très tôt assiégé le pavillon I au guichet de paiement des étudiants en Droit dans le dessein d’imposer leur loi. « Ils réclamaient une caution aux étudiants qu’ils aidaient à percevoir leur argent », explique Khadim ajoutant que ces derniers jouaient sur la fibre sensible des étudiants pour qui, « ma bourse à tout prix » était le seul maître mot. D’après les confidences de ce maîtrisard corroborées par le témoignage de Souleymane Ndiaye en première année de Philosophie qui les qualifie de « troubles faites », « ce sont des haltérophiles qui sèment le désordre lors des paiements. Ils imposent leur violence aux autres étudiants qui n’attendent que d’être payés. Sauf qu’ils n’osent pas le faire aux guichets du Pavillons I réservé aux étudiants en Sciences économiques ».
Payeurs et vigiles dans le box des mis en cause
Au banc des accusés se trouvent aussi certains payeurs qui interrompent les opérations de paiement afin de mieux ferrer leurs proies. « Souvent se sont les ressortissants des régions intérieures du pays qui ne comptent que sur leurs bourses pour leurs études qui en souffrent le plus. Ils sont obligés de trouver un arrangement avec certains payeurs à qui ils remettent une somme d’argents moyennant la perception », révèle l’étudiant Khadim Ngom. Le montant du deal varie d’après lui entre 1500 et 2000 F Cfa. Ce qui représente une grosse somme d’argent pour ces payeurs qui arrivent à traiter avec des centaines d’étudiants pendant la durée des paiements. La réplique ne tardera pas. Les payeurs accusent plutôt l’indiscipline des étudiants. « Ce sont eux qui nous obligent à surseoir temporairement au paiement. Parfois, on voit devant le guichet un groupe d’étudiants dans lequel personne ne veut laisser personne percevoir son argent le premier. C’est pour qu’il y ait moins d’affluence que nous arrêtons. Mais, nous ne sommes pas là pour racketter les étudiants », se défend dans l’anonymat l’un d’entre eux trouvé au Camp Jeremy. D’après des informations glanées sur place, à cause de ce chantage fortement réprimé par les autorités universitaires, un payeur affectueusement appelé par Diédhiou par les étudiants a été relevé de ses fonctions au pavillon I l’année dernière après avoir été dénoncé par ses vis-à-vis : les étudiants boursiers en Licence et Maîtrise de la Faculté des Sciences humaines.
Cette pratique peu orthodoxe qui frise l’activité du coxeur aux arrêts cars ou encore celle du courtier dans le secteur de l’immobilier est aussi bien ancrée dans l’inconscience des vigiles aux mois des rappels. Pourtant censés rétablir l’ordre au Campus. Ces derniers n’hésiteraient pas à abuser de leur autorité pour se faire un peu de sous. « Ils peuvent ainsi monnayer l’impatience des étudiants souvent des filles en introduisant par force ou en falsifiant en accord avec les payeurs l’ordre déjà établis sur les listes ou dans les lots », révèle pour le déprécier Famara Tendeng étudiant en deuxième année en Anglais. Mais son témoignage est vite démenti par cet élément en faction à l’entrée principale du l’Ucad. A qui donc la faute ?
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