Touba
a reçu son monde hier jour de magal. Idem pour Mbacké où les Baye Fall
ont plongé les pèlerins dans leur univers qui se singularise par des
aprioris si vrais, si faux sur le prototype du disciple de Mame Cheikh
Ibrahima Fall.
Pendant
que Touba refuse du monde aux alentours de la grande mosquée,
l’effervescence religieuse est en même temps soutenue à Mbacké. A Keur
Cheikh Fall Baye Gor Mbacké, le son percutant du tam-tam accompagné de
chants en hommage à Mame Cheikh Ibrahima Fall et son maître et guide
spirituel Cheikh Ahmadou Bamba captent l’attention. L’ambiance est
électrique dans la vaste cour sablonneuse où on se croit tant tôt au
beau milieu de gens déraisonnés par ce visage misérable, par ce regard
comme égaré, par cet accoutrement en haillons. Mais, tant tôt on croit
s’être exporté jusque dans un des bouillants ghettos Jamaïcains où lors
des échanges de verbes avec certains Baye Fall, une odeur pestilente de
l’alcool ou de la fumée de ce tabac, empoisonne l’air. Le flaire
d’avoir été démasqué interrompt alors les interviews.
Il faut être lucide comme ce disciple d’un physique imposant, les yeux braillant de la tête au long rasta. Baye Demba Sow, un des responsables du Cheikh Fall pour satisfaire la curiosité de la presse. «Nous
sommes des Baye Fall et on célèbre le Magal par des louanges à Dieu
(Zikr Lahilaha Illalah). Le magal représente pour les Baye fall et pour
tous les mourides la libération de l’homme noir, la décoration de Cheikh
Ahmadou Bamba de son temps où il a été agréé par le Prophète (Psl) et
Dieu. C’est la libération de tout musulman et de tout homme noir où
qu’il se trouve», fait appréhender ce disciple de Mame Cheikh Ibra Fall, enseignant en
linguiste en Californie, aux Etats-Unis.
«Le
magal est l’exaltation de la récompense d’Allah à Cheikh Ahmadou Bamba
Mbacké. Donc, le magal est un mot typiquement Mbacké», renchérit Baye Makheuri Thiam, ibn talibé cheikh Ibra Fall Borom Ndigël.
Les
paroles sont divines et s’expriment dans le mouvement. Tous dans un
grand cercle, les pieds nus, ou enfilés de chaussettes, les Baye Fall
marchent et chantent en criant, le cou porté vers le ciel, dans le sens
contraire de l’aiguille d’une montre et s’offrent le regard affectif de
jeunes filles communément appelées : Yaye Fall. Un rituel plein de sens,
selon Baye Demba Sow qui explique que c’est une façon de se détourner
du temporaire pour de se diriger vers le spirituel. «Par ce rite, on entre dans le temps mystique où on n’est plus redevable de ce monde terrestre», argumente Baye Demba Sow.
Pendant
le magal, dit-on, les Baye Fall vont chercher les fagots de bois qu’ils
remettent au Cheikh Keur Ndigël Fall. Ce bois représente l’être humain
dans sa nature animal et sauvage. Avec cette matière, le Cheikh procède à
l’éducation spirituelle qui consiste à braver le feu ou le tarbiya. Et
quand le charbon devient cendre, il transforme tout ce qu’il touche ou
transforme tout ce qui le touche, fait croire ce
disciple de Mame Cheikh Ibra Fall. Voilà quelqu’un qui croit dure comme
fer que le Cheikh est le recycleur des âmes perdues.
L’ambiance
atteignit son summum quand survint de nulle part un groupe de Baye
Fall, gourdins et sabres à la main, se lâchent dans une danse cosmique
où, dit-on, l’âme se met au-dessus du corps, donc de la matière. Une
danse qui célèbre l’élévation de l’âme au détriment du corps qui est
périssable, renchérit notre interlocuteur. Rendez-vous est donné à 2
heures du matin au domicile du Khalife général des Mourides à Touba.
De l’intuition divine d’une soumission à Ahmadou Bamba
Son
attachement au fondateur du mouridisme ne souffre d’aucun écart. De
même, la soumission de Mame Cheikh Ibrahima Fall à Cheikh Ahmadou Bamba
est exceptionnelle. «Cette soumission relève plutôt d’une intuition divine, différent de l’intuition cognitive»,
souligne Baye Demba Sow. Selon ce fervent disciple de Mame Cheikh
Ibrahima Fall, le Baye Fall a appris le Coran, les poèmes de Bamba et
font le Zikr. Ibra Fall a toujours prôné la foi en Dieu sur la base du
savoir-faire. Toute l’explication de son amour pour le travail.
A ceux-là qui regardent les Baye Fall d’un mauvais œil ou qui jettent l’opprobre sur cette communauté : «On n’a de justifications à donner à personne. Dieu Seul valide les actions de chacun de Sa créature», rétorque Baye Makheuri Thiam, ibn talibé cheikh Ibra Fall Borom Ndigël.
«C’est faux que de dire que les Baye Fall se permettent de tout dans leur façon de témoigner leur foi à Cheikh Ahmadou Bamba. «On
ne peut pas se dire Baye Fall, on suit la voie divine et se permettre
de tout faire ou de tout dire, ce n’est pas pour nous conforme à la
Charia, ce n’est donc pas vrai cette perception qu’on a des Baye Fall», rectifie notre interlocuteur. Le vrai Bayefalisme, dira-t-il, sont avant tout le respect des obligations de la Charia appuyé par le nom de Dieu. «Mame Cheikh Ibra Fall n’a pas rassemblé du
n’importe qui et n’importe comment pour faire ce que bon leur semble, négatif», martèle ce disciple de Mame Cheikh Ibra Fall estimant que partout dans les obédiences religieuses, «il y a des fervents, des mécréants et des fumistes. Mais pas ici à Keur Cheikh Ibrahima Fall», défend-t-il.
Contrairement à ce qui est véhiculé au sein de l’opinion, attire l’attention, Baye Demba Sow souligne que «si
la prière consiste à se diriger vers la Kaaba et proclamer le nom
d’Allah cinq fois par jour, Baye Fall ne prie pas, mais si prier
signifie se prosterner devant son créateur en psalmodiant les mots :
«Lahi laha illalah», les baye Fall n’ont jamais cessé de prier». Selon lui, de son vivant, Mame Cheikh Ibra Fall de déclare aux fidèles musulmans : «vous
qui priez, ne méritez pas la vie sur la terre. Comment pouvez-vous ne
vous souvenir de votre créateur que cinq fois par jour ? Je n’ai jamais
oublié mon Dieu pour me le
rappeler», argument-il.
Quant
au jeûne, il reconnaît que les Baye Fall ne le font pas, mais préparent
à manger à tout le monde. Baye Demba Sow de rappeler encore que Serigne
Touba disait que : « l’abstinence à travers ses sept parties du corps vaut mieux qu’un mois de jeun».
Abdoulaye SIDY
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